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faisons voir, une fois pour toutes, que les Canadiens ne sont pas des ignorans et des lâches, comme ils voudraient le faire croire, qu’ils ne se laissent pas, comme des enfans ou des vieilles femmes, effrayer par des menaces, enjôler par des promesses, ni tromper par des mensonges. Apprenons leur qu’ils se trompent s’ils croient obtenir de nous tout ce qu’ils voudront par des promesses, et par la corruption. — Examinons leur ruse.

Tout le monde sait que la Chambre d’Assemblée a été cassée parce qu’elle a refusé d’abandonner la bourse publique à la discrétion des administrateurs, qui veulent se payer eux-mêmes, comme il leur plaît. C’est une méthode, il est vrai, qui leur serait bien commode, et il n’est pas étrange que leurs amis fassent beaucoup d’efforts pour élire des Membres qui seront de cet avis là, des Membres qui dormiront quand ces honnêtes gens allongeront le bras dans le grand coffre de la Province. Mais nous, le peuple, qui sommes obligés de remplir la bourse publique à même les nôtres, nous n’aimons pas que ces messieurs se payent eux-mêmes aussi amplement qu’ils le désirent ; parce que, si nous y consentions, nous ne serions pas long-tems sans être fortement et très-fortement taxés, quoique nous ne le soyons pas à présent. C’est la raison pourquoi nous voulons avoir de braves Représentants qui feront les sentinelles, qui prendront la peine de regarder si notre argent est dilapidé, et qui ne vendront pas le pays après s’être vendus eux-mêmes. Si une fois la Chambre abandonnait le droit qu’elle a de régler la dépense publique, ce serait fini pour nous ; nous ne pourrions plus jamais reprendre ce droit essentiel. Les administrateurs, n’ayant plus personne pour s’opposer à leur avidité, puiseraient sans modération, sans frein, dans le coffre public. Il serait bientôt vide ; pour le remplir, il n’y aurait pas d’autre moyen que d’augmenter les taxes, d’en imposer de nouvelles, d’accabler le peuple d’impôts. Tout notre travail serait à la fin perdu pour nous. Tout ce que nous gagnerions serait pour enrichir un petit nombre de personnes insouciantes et indifférentes au bonheur comme au malheur du pays ; et il en resterait à peine assez aux plus industrieux pour vivre misérablement. Enfin nous ne serions pas long-tems sans être écrasés sous le poids de l’oppression, comme le sont les malheureux Irlandais, qui tous les jours sont forcés d’aller chercher, loin de leur Patrie, un asile contre la misère et la mort. Mais nos ennemis trouvent que nous ne devons pas parler des Irlandais, et ils ne cessent de nous dire que nous sommes heureux, que nous n’avons aucun droit de nous plaindre. À tout cela nous pouvons leur répondre : Eh ! nous le