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porté à la charge la plus honorable du pays, la présidence par voie d’élection sur l’élite du pays, j’étais plus que d’autres en évidence aux regards des amis et des ennemis politiques. D’ennemis individuels je n’en eus pas beaucoup, je pense, car volontairement, je ne fis jamais de mal ni ne donnai d’offense à aucun individu comme tel. Mais nulle animosité n’est plus virulente surtout chez les hommes qui ont plus d’estomac que de tête, que celle qui résulte des divergences politiques, et j’avais marché jusqu’aux antipodes de la station où la plupart des tories ont pris racine. J’avais parcouru cette demi-circonférence de notre monde politique en bonne et grande compagnie. À nous tous, les insultes et les violences n’ont pas été épargnées. Mais la récompense est plus grande encore que ne fut la violence. Le peuple a réélu partout où ils ont consenti à l’être, les proscrits proclamés. C’est ainsi que le peuple a répondu aux chants de triomphe de ses oppresseurs.

Depuis mon retour j’ai dit, quand quelques fois l’on m’a parlé de retourner à la vie publique, qu’à mon âge, après mes services passés, après de longues et pénibles agitations et trente années de travail et d’anxiétés, je croyais avoir droit à ma retraite ; que c’était le tour d’une plus jeune génération de continuer l’œuvre commencée ; que la patrie avait bien droit en tout temps aux services de ses enfants, mais qu’elle devait égaliser le fardeau ; que d’autres pouvaient faire aussi bien que moi, puisque grâce au zèle des fondateurs de nos beaux collèges, l’éducation était plus générale et plus forte aujourd’hui qu’elle ne l’était lorsque je suis entré dans la carrière qu’une jeunesse instruite et patriotique doit parcourir à son tour. Malgré ces protestations sincères les deux comtés ruraux les plus populeux des Districts de Montréal et de Trois-Rivières veulent m’appeler à l’honneur de les représenter. Oh ! les Canadiens sont reconnaissants du bien que l’on a voulu, et que l’on n’a pas pu leur procurer, à ce degré qu’ils ont droit, et qu’ils auront les services à tout risque de ceux à qui ils en demanderont. Il n’est permis à personne qui sait apprécier le caractère d’un peuple aussi vertueux et aussi souffrant, de ne pas lui céder, si l’on n’a que des considérations personnelles à lui opposer. Aussi ce n’est pas sur mon amour du repos que je m’appuie pour dire aux électeurs de ces deux grands comtés que je souhaite ne pas entrer au Parlement. Je ne le fais que d’après les considérations d’un ordre public que je vous expose au long, et dont je vous laisse les juges.