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je ne crois pas qu’il soit utile pour vous ni convenable pour moi de rentrer dans la vie publique, dans un moment où le plus grand nombre de ceux qui l’ont suivie avec courage et constance tandis que huit ans de séjour sur la terre étrangère m’en ont séparé, pensent qu’ils ne doivent pas encore désespérer du fonctionnement utile du gouvernement responsable. Puissent-ils ne pas se tromper. Puissent-ils réussir ; personne ne les applaudira plus sincèrement que moi. Ils pensent que le jour n’est pas venu où ils doivent se reporter à 1836, et redemander dès aujourd’hui les réformes que nous demandions alors ; moi je pense que ce jour est venu. À raison seulement de cette diversité d’opinion, je vous déclare donc ma pensée sincère et entière : non seulement je ne désire pas entrer dans la vie publique, mais je désire n’y pas entrer. Je crains de n’y pas faire de bien, quand je diffère sur des points essentiels de ceux avec qui j’ai si longtemps agi de concert, dont je connais, dont je respecte le dévouement à la patrie. Ils représentent la majorité vraie du pays, ils représentent les comtés populeux. Je ne compte pas les suffrages, je les pèse. Le vote du représentant d’un bourg de quatre cents âmes, n’a pour moi que la centième partie de la valeur morale du vote du représentant d’un comté de quarante mille âmes. La représentation de tous les comtés populeux, doit donc être prochainement augmentée, du moins la proposition en être faite. Ce ne peut être que pour des fins d’intrigue et de corruption que l’on conserverait une aussi choquante disproportion dans la représentation que celle qui existe entre des localités qui diffèrent en population comme de cent à un et qui chacune élisent un mandataire au conseil national. Contre cet abus et tant d’autres que j’ai déjà signalés, un peu plus tôt ou un peu plus tard, il faudra protester. L’on pense, contre mon opinion, qu’il est trop tôt pour le faire, que le ministère libéral n’a pas été assez longtemps au pouvoir pour le tenter ; que s’il y est porté par le résultat des présentes élections, il obtiendra sans agitation la correction des abus. Il est donc de stricte justice de lui donner l’occasion de prouver, qu’il peut comme il est certain qu’il veut, faire beaucoup de bien. Me jeter dans la vie publique, malgré les représentations que je vous fais, serait peut-être une erreur qui aurait l’air de dissidence dans les rangs réformistes.

Le respect pour vous et pour moi m’obligeait à vous donner les raisons de mon refus, à les rendre publiques, à ne pas laisser dire qu’il procède d’égoïsme ou d’indifférence. Il procède de ce que je ne vois que peu de chances de promouvoir dès aujourd’hui le bien public en la manière qui me paraîtrait la plus efficace, par une opposition forte plutôt que par un ministère qui sera gêné par les instructions venant d’Angleterre, si l’on y conserve la manie de s’immiscer comme par le passé dans les déli-