Page:Panckoucke - Le grand vocabulaire françois, 1767, T1.djvu/13

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
6 PRÉFACE.


desirons sur-tout de convaincre le Public qu’on ne lui redonne pas précisément, sous un titre nouveau, ce qu’il a déja tous des titres anciens.

Sans parler des Dictionnaires particuliers qui font restreints à une Science ou un Art, & dont plusieurs ne vaudroient pas la peine d’être nommés, nous avons dans notre Langue trois grands Dictionnaires connus : le Dictionnaire de Trévoux, celui de l’Académie Françoise & l’Encyclopédie. Les éditions du premier se font succédées les unes aux autres avec la plus grande rapidité. Il est dans presque tous les Cabinets, & il est encore quelques gens qui le consultent. Ce succès général & soutenu semble le mettre à l’abri de la critique ; qu’on nous permette cependant de dire ici, sans amertume, ce que nous pensons de ce Livre répandu.

Quand le Dictionnaire de Trévoux parut, la nation l’accueillit sans doute à cause de l’universalité qu’il paroissoit embrasser. Son titre fit sa vogue & sa fortune. On le crut Dictionnaire universel, & il ne l’étoit pas, comme il ne l’est pas encore, après les corrections & les augmentations considérables, & souvent peu judicieuses, qui se trouvent dans la huitième & dernière édition. Nous avons un grand nombre de mots connus dont il ne fait aucune mention. Les mots qui ont rapport aux Sciences, & sur-tout aux Arts & aux Métiers, ne sont ni clairement définis, ni suffisamment développés. L’Histoire, de l’aveu même des Editeurs, y est totalement négligée ; on n’y parle d’aucun de ces faits qui piquent la curiosité, ou qui instruisent sur les Mœurs des différens siècles ; on n’y fait connaître aucun de ces Hommes fameux qui ont bien mérité des Lettres ou de la Patrie, ou dont les vices & les passions ont été funestes aux Empires & à l’humanité. Comment la Géographie y est-elle traitée ? C’est souvent une dissertation fastidieuse sur l’étymologie du nom d’un Hameau, tandis que l’on n’y dit rien d’une Ville considérable située dans le voisinage. On n’y fait presque jamais connoître les Mœurs, la Religion, les Loix, le Commerce des Peuples, ni les productions des Pays qu’ils habitent, quoique toutes ces choses entrent essentiellement dans la définition de certains articles de Géographie. L’Histoire naturelle de l’Homme, celle des Animaux, & particulièrement la connoissance, l’usage & la vertu des Plantes & des Minéraux, devoient être traités avec soin dans un Dictionnaire qui s’arroge le titre d’universel. Celui de Trévoux n’est sur ces matières intéressantes qu’une nomenclature incomplette : en le comparant sur ce point avec le grand Vocabulaire François, on pourra juger de ses omissions.