Page:Pallegoix - Description du royaume Thai ou Siam, 1854, tome 2.djvu/316

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 300 —

demanda justice au roi. Savez-vous ce que le roi répondit ? « Ah bah ! Comment voulez-vous que les dieux siamois demeurent en paix enclavés comme ils sont au milieu des farangs (chrétiens) ? Croyez-moi, il vaut mieux transporteries idoles de cette pagode et l’abandonner. »

Le lendemain, comme je passais accompagné des chefs du camp annamite, je vis des talapoins montés sur l’avant-toit de la pagode, qui faisaient descendre des idoles attachées et pendues par le cou ; d’autres, en bas, tendaient les mains pour attraper ces malheureux petits dieux puis ils les mettaient dans de gros paniers pour les porter ailleurs. « Que faites-vous donc, mes amis ? » leur demandai-je. L’un d’eux me répondit : « Qu’est-ce que nous faisons ? Croyez-vous que nous allons laisser nos dieux à vos chrétiens, pour qu’ils les fondent et en fassent des balles de fusil ? » Il parla ainsi, faisant allusion à ce que la plupart de nos chrétient sont chasseurs et aussi soldats. Cette affaire fit bien rire nos Annamites, et moi je bénissais le Seigneur de voir, au sein d’une grande cité païenne, les idoles d’une pagode royale, la corde au cou, forcées d’aller honteusement chercher refuge ailleurs. Quand le temple fut vide, on conçoit