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plus laxatiue sans errosion que n’est celle qui nous est apportée pour turbith, et aussi belle, et si laticineuse : car la gomme que tu vois aux deux bouts n’est autre que le laict qui sort quand tu la coupe fresche, qui se seiche là, et par les fentes quand tu la fends fresche comme i’ay dit, et t’asseure qu’elle n’est point si maligne ny si venimeuse que celle qui est apportée pour turbith.

Ie me tairay de parler de l’election des drogues, aussi de leurs vertus : car ie n’ay deliberé respondre que contre les abus et ignorances des Medecins, tels que Maistre Lisset : car i’espere auec le temps escrire des medicamens, ensemble de la distillation plus amplement. Encores que Lisset dise que les Apoticaires ne sont aucunement grammariens, et ne sçauroyent estudier ; parquoy la medecine est en grand danger. Ie trouueray Apoticaires qui parleront aussi seurement de la medecine en François, que beaucoup de Medecins ne sçauroyent respondre en Latin. Il est plus facile estudier chascun en sa langue, que d’emprunter les langages des estranges pour estudier.

Gallien a escrit en sa langue, et n’a pas emprunté le langage d’vne autre region pour faire ses liures ; aussi Hyppocrates, Auicenne, chascun a escrit et estudié en sa langue. Les Apoticaires de France peuuent estudier en François sans aller emprunter les langues Latines, ny celles des Alemans : car tout ce qui concerne la Pharmatie est traduit en François ; parquoy ils se peuuent faire sçauans, sans estre Latins, ni Grammariens, contre le dire de Maistre Lisset, et mieux que les Medecins : car leurs liures sont en Grec et Latin fort elegans, et la moitié des Medecins n’entendent Grec ny guerres Latin ; parquoy ils ne sçauent qu’ils estudient, et les pauures malades sont en grand danger sous leurs mains : car ils nous medecinent à la mode des Grecs et Arabes, et des drogues des Grecs et Arabes ; et nous ne sommes Grecs ny Arabes, et moins de leur complection, ny nez, ny nourris en leur climat qui est tout contraire au nostre : car leur pays et climat est plus chaud deux fois que le nostre, et leurs medicamens plus forts et plus egus, et plus veneneux que les nostres. Nonobstant, nos Medecins s’en seruent à mediquer nos corps, aussi nous mettent-ils en grand danger, qui est grand betise à ceux qui pourroyent bien trouuer des medicamens en France pour