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Ne trouues-tu pas vn grand abus et ignorance aux Medecins, faire tenir vn pauure malade enfermé dans vne chambre, les fenestres bouchées, le lit bouché, et defendre luy donner air ? Ià que le pauure patient ne peut aspirer ny auoir son haleine à cause de la maladie, que à grand peine ; et tu la luy rends pour le bien enfermer et clore ? Regarde comment tu abuses, premier tu luy oste l’aspiration, et le rends plus melancolique que ne fait sa maladie, auec les mauuaises odeurs qui ne s’en peuuent exaler, qui luy penetrent le cerueau et le rendent plus malade de beaucoup : et si tu me confesses que l’air aide à la vertu expulsiue, et que nuls animaux ayant poumons ne peuuent viure sans air, doncques l’homme quelque sain et allegre qu’il soit, ne peut viure sans air, et estant malade encores moins ; parquoy ie dis que tu abuses de defendre l’air aux malades quand il est beau, et quand il n’est trop froid ny trop humide, ou venteux. Ie ne dis pas que si le patient a mal de teste ou qu’il le craigne, qu’il ne luy soit osté, non pas le faire mourir à petit feu par ton ignorance.

Ie te voudrois demander qui t’enfermeroit seulement six iours en vne chambre sans air, toy sain, et non malade, (comme tu enfermes les malades) si tu le trouuerois bon, et si tu pourrois viure comme tu fais à l’air.

Vn autre abus inueteré dont les Medecins de maintenant vsent communement, et mesme nostre Maistre Lisset, qui dit que c’est très-mal operé bailler à boire à vn febricitant de fieure continue ou égue, et que le boire augmente la colere. Les heures continues et égues alterent bien fort les malades qui en sont frappez : et que leur ordonneras-tu pour leur estancher la soif, eux qui sont en feu continuel auec la siccité qui cause l’alteration, et tu luy defens le boire de l’eau et autre potion.

Ie te dis que l’eau est froide et humide et ne peut engendrer ny augmenter la colere, qui est chaude et seiche : car elle luy est toute contraire. Et pour leuer la chaleur et siccité, il me semble (sous correction) qu’il luy faut bailler froid et humide, car toutes alterations sont procedées de chaleur et seichent ; parquoy l’eau qui est contraire à la chaleur et siccité, peut estancher la soif, et ne la peut-on estancher autrement.

Ie ne dis pas qu’il soit raisonnable de bailler à boire à vn