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DE LA MARNE.

elle : car en tirant la dite marne en plusieurs lieux, il s’en trouue qui ne se peut dissoudre à l’iniure du temps, ny par les pluyes, iusques à ce que la gelée y ayant besongné, laquelle gelée trouuant les pierres de marne dures comme craye, les fera dissoudre et reduire en poussiere, comme ainsi soit que cela auienne souuent és pierres tendres, lesquelles pierres on appelle iolices (gélisses), desquelles i’ay parlé cy dessus ; et pour faire fin à toutes disputes, ie te dis que la marne estoit vne terre au parauant qu’estre marne, que terre argileuse et commencement de pierre de craye à esté premierement marne, et te di encores, que la craye qui est encores en la matrice de la terre deuiendra pierre blanche, et te di encores autre chose qui te faschera plus de croire, qu’en quelque part qu’il y ait des pierres sujettes à calcination, elles ont esté marne auparauant qu’estre pierres : car autrement estans calcinées elles ne pouroyent meilleurer les champs stériles.

Theorique.

Ie ne vis iamais homme plus opiniatre en ses opinions que toy ; cuides-tu trouuer des hommes si fols qui veulent croire les propos que tu as mis en auant ? tu en trouueras bon nombre qui s’en mocqueront, et t’estimeront destitué de toute raison : de ma part ie me suis deliberé de ne rien croire de ce que tu dis si tu ne me donnes preuues aisées et intelligibles, par lesquelles tu me face croire qu’il y a quelque cause qui ayde à la vegetation des semences, autre que la chaleur qui est en la chaux, Marne et fumiers. Car comme ie t’ay dit, puis que la Marne ne profite gueres aux champs la premiere année, c’est signe comme i’ay dit que la trop grand chaleur qui est en elle empesche son action.

Practique.

Tu t’abuses et n’entens pas ce que tu dis, car ce n’est pas vne chose ordinaire, ny en tous lieux, que la marne fait mieux son deuoir la seconde année et autres suyuantes que la premiere : mais en cest endroit il te faut noter vn point singulier et de grand poids, lequel tu peux auoir entendu par le propos subsequent, qui est que la Marne se reduit en craye ou autre pierre par vne longue decoction, et quand vne marne commence à passer sa decoction, elle s’endurcit en telle sorte que les pluyes ne la peuuent disoudre au deuoir requis, ains