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DE LA MARNE.

par les eaux, ils se putrifient, et en se putrifiant la putrefaction cause vne grande chaleur és pailles et foins, iusques à ce que la dissolution de l’essence radicalle soit accomplie, et ce fait, le fumier n’a plus de chaleur. Nous sçauons aussi que les pierres de chaux cuites, engendrent vn feu, lequel feu dure en elle iusques à ce qu’elle se soit creuée et puluerisée, et apres la chaleur n’y est plus ; nous sçauons aussi que l’eau bouillante est chaude tandis qu’elle est esmeüe ou touchée par le feu, mais apres, estant reposée hors du feu, elle est plus subiette à la gelée que non pas l’eau qui n’aura point chauffé. Nous sçauons aussi que vne playe ou concussion, qui par accident auenu engendrera apostume à la partie offensée, sera plus chaude que de coustume, à cause de l’accident et de la putrefaction qui se fait, comme ie t’ay dit de la paille ou foin, qui s’eschauffe par accident de putrefaction, et non que la chaleur y soit tousiours. Nous sçauons aussi que deux cailloux ou autres matieres dures engendreront (quand elles seront frappées l’vne contre l’autre) des bluettes ou estincelles de feu : ce n’est pas pourtant à dire que les cailloux soyent chauds : mais c’est ce que ie di, que les accidens engendrent des chaleurs extraordinaires : parquoy faut conclure qu’il y a quelque cause autre qui fait germer les semences. Quand i’ay contemplé de bien pres la terre appellée Marne, i’ay trouué que ce n’estoit autre chose que vne sorte de terre argileuse, et si ainsi est, c’est le contraire des raisons que tu as amenées : car nous tenons pour certain que la terre argileuse est froide et seiche, comme tu peux auoir entendu en parlant des metaux et mineraux, en te prouuant que en plusieurs terres argileuses se trouuent des marcassites, mesme du bois metallisé et petrifié ; et si la terre de marne estoit chaude, la terre d’argile le seroit aussi, et tout ce que i’aurois escrit en parlant des terres, pierres et metaux, seroit faux. Faut commencer donc par ce bout et en fin conclure que la terre de marne est vne espece d’argile, laquelle ayant demeuré plusieurs années à l’iniure du temps, elle se seroit refroidie ou gelée voire dés la premiere gelée : et ores qu’elle auroit esté chaude en la matrice de la terre elle ne pourroit seruir à eschauffer la terre vne seule année. Autant en di-ie du fumier et de la chaux, il est aisé à conclure puisque la terre est ameilleurée par la marne l’espace de dix ou trente ans, que cela n’est pas causé de chaleur qui soit en