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DES TERRES D’ARGILE.

pas faire des terres sableuses : parce qu’elles sont toutes courtes et vaines. Il y a autres especes de terres fort malignes : car quand elles sont vn peu trop cuittes elles sont suiettes à se brusler, noircir, et fendiller, et les vaisseaux qui sont dessouz, pressez de la pesanteur de ceux qui sont dessus se ployent et tordent la gueule comme s’ils estoyent d’vne matiere maleable. Il y a des terres argileuses vers les Ardennes, qui sont fort humides ou longues à seicher, dangereuses à brusler, lesquelles tiennent quelque substance de mine de fer. I’en ay trouué quelquefois d’vne espece qui estoit fort nette, subtile et deliée, ayant apparence d’estre fort bonne : tellement que pour l’esperance que i’auois de m’en seruir i’en formay quelques pieces, et le mis au plus chaud du fourneau : mais quand ie vins à chercher mes pieces ie trouuay qu’elles estoyent fondues, et ladite terre auoit coulé le long des cendres, comme plomb fondu. Il se trouue des vaisseaux antiques d’vne terre rouge qui est polie, sans aucun esmail, et aucuns appellent les vaisseaux de ladite terre, vaisseaux de barc. Ie ne sçay pour quelle cause ils les appellent ainsi : mais bien sçay-ie qu’anciennement ils etoyent en grand vsage. Car l’on en trouue grande quantité de pieces rompues aux villes antiques : et plusieurs fois s’en est trouué dans des sepulchres auec des monnoyes des Empereurs qui regnoyent pour lors, et cela se faisoit par quelque ceremonie, qui depuis a esté laissée. Si ie voulois escrire toutes les diuersitez des terres argileuses, ie n’aurois iamais fait : tu en pourras auoir plus grande connoissance en traitant de l’art de terre : parquoy ie n’en parleray plus pour le présent[1].

  1. Le traité des Terres d’argile était le préambule nécessaire du traité de l’Art de terre. Il renferme des préceptes dont la justesse et la clarté se retrouvent à un degré encore supérieur dans le traité suivant, l’un des plus importants et des plus remarquables des œuvres du savant potier.