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DES TERRES D’ARGILE.

formées de ladite terre : et par tel moyen l’on peut connoistre qu’en la terre argileuse y a deux humeurs, l’vne euaporatiue et accidentale, et l’autre fixe et radicale : l’humide et accidentale est suiette à s’euaporer et estant euaporée, la radicale transmue la substance de la terre en pierre : Toutesfois sans que premierement l’humide y besongne, cela ne se pourroit faire : car il faut necessairement que l’humide rassemble toutes les parties, et qu’il serue de mastic pour former toutes sortes d’ouurages.

Il y a aucunes especes de terres ausquelles il ne faut pas tenir longuement le petit feu ; Telles terres sont communement grosses, sableuses et spongieuses, et par ce qu’elles ont les pores ouuerts, l’humide s’exale plus promptement, estant chassé par le feu. Il y a autres terres qui sont si alises, ou si peu poureuses que pour ces causes ceux qui en besongnent sont contraints d’y mettre du sable, pour obuier au long temps qu’il faudroit tenir le petit feu, pour garder de casser la besongne. La cause pourquoy le sable peut faire que la piece endurera plutost le grand feu, que quand la terre sera pure, est qu’il fait diuision des subtiles parties de la terre : et d’autant que sa subtilité la rendroit plus alise et reserrée, le sable luy cause quelques pores par lesquels l’humide s’exale plus promptement pour donner place au feu, son aduersaire. Pour ces causes les potiers de Paris mettent du sable à toutes leurs besongnes. Aupres de Paris il y a de trois sortes de terres argileuses, la plus fine se prend à Gentilly, qui est vn village pres dudit lieu. Mais il y a certains endroits là où parmy ladite terre se trouue grand nombre de marcassites metalliques et sulphurées, qui causent que lesdits potiers n’en veulent point, sinon pour faire de la brique, ou de la tuille. La cause pourquoy ils n’en peuuent point faire de bonne besongne, est parce qu’en cuisant leur ouurage lesdites marcassites rendent vne vapeur noire et puante, laquelle noircit tout l’ouurage qui est couuert de iaune et de verd. Il y a vne autre espece de terre à vn village pres Paris, nommé Chaliot, de laquelle l’on fait la tuille ; elle est vn peu plus grosse que celle de Gentilly : il se trouue dedans icelle vn grand nombre de marcassites, qui toutesfois sont d’autre genre que celle de Gentilly. Ie te dy ces choses pour te faire mieux entendre que si en si peu de pays il se trouue de diuerses especes de terre,