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DES TERRES D’ARGILE.

autres especes de terres qui sont fort bonnes et endurent fort bien le feu : Mais elles sont si vaines et lasches que l’on n’en peut faire aucuns vaisseaux legers, par ce que quand l’on la veut former vn peu haut elle se laisse aller en bas, ne se pouuant soustenir. C’est vne regle generale que toutes terres argileuses, et singulierement les plus fines sont suiettes à peter au feu auparaut qu’elles soyent cuittes : pour ces causes ceux qui en besongnent sont contraints de mettre le feu petit à petit, afin de chasser l’humidité qui est dedans la besongne, tellement que si les pieces que l’on fait cuire sont espaisses, et qu’il y en ait quantité, il faudra tenir le feu quelquefois trois et quatre iours et nuits, et si la besongne est vne fois commencée à eschaufer, et que celuy qui conduira le feu s’endorme, et qu’il laisse refroidir sa besongne, au parauant qu’elle soit cuitte en perfection, il n’y aura nulle faute que l’œuure ne soit perdue. Et par tel accident plusieurs thuilliers ont eu de grandes pertes. Il ne sera pas hors de propos que ie te die vn autre secret fort estrange, qui est que plusieurs chaufourniers ont aussi eu de grandes pertes, par vn accident tout semblable : c’est que depuis que la pierre du four à chaux commence à eschaufer, iusques à auoir sa couleur rouge, et que la flamme aye commencé à passer entre les pierres, si celuy qui conduit le feu se vient à endormir, et qu’en s’eueillant il trouue que la flamme soit abbatue, et la chaleur en partie rabaissée au parauant que la pierre soit calcinée au degré requis ; s’il venoit apres à recommencer à mettre du bois à son fourneau, et qu’il employast tout le bois des forests des Ardennes, il ne luy est plus possible de faire remonter son feu, ne plus reduire sa pierre en chaux, ains a perdu tout ce qu’il y auoit mis. I’en ay congneu plusieurs qui sont deuenus pauures par tels accidens. Ceux qui besongnent impatiemment de l’art de terre, perdent beaucoup bien souuent par leurs impatiences : car s’ils ne chassent l’humeur exalatiue, qui est dedans la terre, petit à petit, et qu’ils veulent mettre le grand feu au parauant qu’elle soit ostée, il n’y a rien plus certain que le chaud et l’humide se rencontrant engendreront vn tonnerre, à cause de leur contrarieté. Car ie sçay que les tonnerres naturels sont engendrez par la mesme cause, sçauoir est le chaud et humide : par ce qu’ils sont contraires, et ne peuuent habiter