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DES PIERRES.

ble est commencé à petrifier. Dedans les forests desdites Ardennes il y a vn grand nombre de cailloux de plusieurs grosseurs et couleurs, lesquels se trouuent en plus grande quantité le long des ruisseaux qui passent par les vallées, par ce que les eaux des pluyes qui descendent des montagnes amenent le sel des bois pourris aux ruisseaux desdites vallées, qui est encores vne preuue que les pierres et cailloux ne peuuent estre dures sans qu’il y ait abondance d’eau. Et communement les plus dures se trouuent és pays froids et pluuieux, comme l’on voit par exemples aux monts Pyrenées, où il se trouue de beau marbre. Il s’en trouue aussi à Dynan qui est pays froid et pluuieux. Aux montagnes d’Auuergne il se trouue du cristal, et tout cela ne se fait que par abondance d’eau et de froidure. L’on sçait bien que à Fribourg en Briscot, le beau cristal se trouue és montagnes ausquelles il y a de la nege presque en tout temps : et suyuant ce que i’ay dit du pays de Bigorre, qu’il ne s’y trouue que des cailloux, parce que le pays est pluuieux et froid, l’on peut dire le semblable d’vne grande partie des contrées limitrophes des Ardennes, et principalement sur le chemin allant de Messieres à Anuers : chose plus merueilleuse que i’aye encore veuë. Car le long de la riuiere de Meuse au pays du Liege, ladite riuiere passe entre des montagnes lesquelles sont d’vne merueilleuse hauteur, elles sont formées la plus grande partie de matiere semblable aux cailloux blancs, et autre partie de gris, et afin que tu n’entendes que la montagne soit de diuers cailloux, ie dy qu’vne grande montagne ne sera qu’vn caillou. Et te dy encores qu’il y en a plusieurs qui ne produisent ny arbres ny plantes ; à cause de leur grande dureté elles sont inutiles : par ce que l’on ne les sçauroit couper pour s’en seruir en bastiments, et au dessous d’icelles bien auant souz terre, se trouue des carrieres d’ardoises : semblablement les maisons de Bigorre sont couuertes d’ardoises, comme celles des Ardennes : car elles se prennent communement és pays frais.

Theorique.

Et dy moy ie te prie la cause des pesanteurs diuerses.

Practique.

Un homme de bon iugement l’entendra assez par les causes que i’ay dit cy dessus, car la mesme chose qui cause la dureté, cause la pesanteur des pierres : parquoy tu peux co-