Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/342

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
294
DES PIERRES.

pece de talc ; sa diafanité ou transparence nous donne bien à connoistre que la plus grand part de son essence n’est autre chose que de l’eau : toutesfois il se calcine, et l’on en besongne tout ainsi que de l’autre plastre. Il faut donc conclure par là, que la trop hastiue congelation ne peut souffrir endurcir les pierres : Et cela peut on connoistre és lieux là où ledit plastre se treuue. Car c’est vn pays sableux, et les terres sont alterées, et en ce mesme endroit et ioignant lesdites plastrieres, il y a certains rochers desquels les pierres sont fort legeres, tendres et tenantes à la langue, comme du boliarmeny (bol d’Arménie), et lesdits rochers sont fort mal condensez. Voila comment ie prouue que les pierres ausquelles l’eau defaut trop tost, ne peuuent estre dures. Pour bien connoistre vne pierre qui a eu faute d’eau en sa formation : au pays de Bigorre ne se trouue point de pierres, ains sont tous cailloux durs : le pays est froid et fort pluuieux ; et y a grande quantité de riuieres, à cause qu’il est fort prés des montagnes : Parquoy en la formation des pierres dudit pays il n’y peut auoir faute d’eau : aussi sont ils contrains de defaire leurs maçonneries de cailloux, qui ne se peuuent tailler, à cause de leur dureté. Aux Ardennes les terres sont fort sableuses, et leurs pierrieres ne sont d’autres matieres que d’icelles terres : Mais par ce que le pays est fort pluuieux, les pierres sont fort dures, aigres et mal plaisantes : tellement que ceux qui bastissent sont contrains aller querir de la pierre tendre en France, pour tailler leurs iambages de cheminées, croisées, corniches, frises et architraves : car ils ne pourroyent former leurs moulures de la pierre du pays. Les pierriers qui la tirent font tout au contraire de ceux de Paris, car ils ne prennent que le dessus, et quand ils ont osté la moins contiguë, et qu’ils commencent à trouuer celle que les Parisiens nomment liais, ils sont contrains la laisser, à cause qu’elle est trop dure. Les pierrieres dequoy ie parle sont formées d’vne sorte que l’on n’en voit gueres de semblables. Car apres que l’on a trouué vn lict de pierre de l’espesseur d’un pied et demi ou deux pieds, l’on trouue vn autre lict de sable, et toutes les pierres de ladite contrée sont ainsi faites, et le sable qui fait la separation entre les lits des pierres, est aussi dur et aussi bien condensé que la pierre blanche qu’ils vont querir en France, pour tailler leurs fenestrages : ce que ie trouue fort estrange, et ne puis croire autre chose sinon que ledit sa-