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DES PIERRES.

pour le moins la terre là où ils pourriront en sera teinte de noir. I’ay aussi plusieurs fois contemplé que les pierres sont bien souuent de la couleur de la terre où elles ont esté engendrées, et celles qui sont dedans les sables sont aussi bien souuent de la couleur des sables où elles sont trouuées : Toutesfois il se trouue bien souuent des pierres blanches dedans les terres noires, et cela vient à cause que les matieres d’où elles ont esté formées, ont changé de couleur en leur decoction, ce qui aduient bien souuent à plusieurs mineraux, et generalement à tous les fruits de la terre, lesquels ont autre couleur à leur maturité que non pas à leur commencement. Quant est des couleurs des marbres figurez, iaspes, porphyres, serpentins, et autres telles especes, leurs couleurs sont causées par diuers egousts d’eau qui tombent du haut de la terre, iusques au lieu où lesdites pierres se forment : les eaux venant de plusieurs et diuers endroits de la terre, en descendant elles apportent auec elles ces diuerses couleurs, qui sont esdittes pierres. Car ainsi qu’une partie de l’eau, en passant, trouuera quelque miniere d’airain ou de copperoze, elle fera des taches verdes sus la pierre, tombant goutte à goutte sus icelle. Autres gouttes tomberont à mesme instant qui passeront par quelques minieres de fer, et tombans (comme i’ay dit) sur le receptacle où laditte pierre se formera, lesdittes gouttes se congeleront en iaune. Autres gouttes porteront autres couleurs diuerses, qui causeront plusieurs figures ausdites pierres.

Theorique.

Si ainsi estoit comme tu dis, les figures seroyent toutes rondes, comme le porphyre : mais quoy, nous voyons aux iaspes, marbres, et pierres mixtes, des figures faites par idees estranges : cela monstre bien qu’elles ne se font pas par vne eau desgouttante, comme tu dis.

Practique.

Si tu eusses esté à mes leçons, tu eusses bien conneu que ce que ie te dy est vray : car il y auoit plusieurs hommes vn peu plus sçauans que toy, ce neantmoins ie leur fis connoistre que la verité est telle que ie te dy, et n’y eust iamais homme qui me sçeut contredire. Vray est que pour leur faire entendre mon dire i’en fis vne figure en leur présence. Il est vray que si les gouttes qui tombent du haut en bas se congeloyent