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DES PIERRES.

viendroyent soudain en pourriture. C’est la raison, pourquoy ie t’ay dit que le sel est la tenue et mastiq generatif et conseruatif de toutes choses : ie n’ay pas pourtant dit que tous sels fussent poignans et mordicatifs : tu trouueras que toutes coquilles petrifiées sont plus dures que non pas la masse de la pierre où elles sont, et ce pour cause qu’il y a plus de matiere salsitiue. Or combien que par cy deuant i’aye assez desconfit l’opinion de Cardan, sur le fait des pierres monstreuses, si est ce que ie suis deliberé de donner plus amples preuues de mon opinion contraire à la sienne, et ce d’autant qu’il y a bien peu d’hommes qui ne disent auec luy que les coquilles des poissons petrifiez, tant és montagnes qu’és vallées, sont du temps du Deluge, pour à quoy résister et prouuer le contraire, i’ay fait plusieurs figures de coquilles petrifiées, qui se trouuent par milliers és montagnes des Ardennes, et non seulement des coquilles, ains aussi des poissons, qui ont esté petrifiez auec leurs coquilles. Et pour mieux faire entendre que la mer n’a point amené lesdittes coquilles au temps du Deluge, ie te monstreray présentement la figure d’vn rocher qui est esdites Ardennes, près la ville de Sedan, auquel rocher et en plusieurs autres, il se trouue des coquilles de toutes les especes figurées en ce papier : depuis le sommet de la montagne iusques au pied d’icelle, combien que ladite montagne soit plus haute que nulle des maisons ny mesme le clocher dudit Sedan, et les habitans dudit lieu coupent iournellement de la pierre de ladite montagne, pour bastir, et en ce faisant il se trouue desdites coquilles aussi bien au plus bas comme au plus haut, voire encloses dedans les pierres les plus contiguës ; ie puis asseurer en auoir veu d’vn genre qui contenoit seize poulces de diametre. Ie demande maintenant à celuy qui tient l’opinion dudit Cardanus, par quelle porte entra la mer pour apporter lesdites coquilles au dedans des rochers les plus contigus ? Ie t’ay cy dessus donné à entendre que lesdits poissons ont esté engendrez au lieu mesme où ils ont changé de nature, tenans la mesme forme qu’ils auoyent estans viuans. Parquoy ie repeteray le mesme propos, disant que dedans les rochers susdits se trouuent plusieurs fosses, concauitez, et receptacles d’eau, qui entrent par les fentes desdits rochers, descendant du haut en bas, et en descendant l’on connoist euidemment qu’elles se petrifient en la forme des