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DES SELS DIVERS.

marez sallans, on y cueille de l’herbe salée, de laquelle on fait les plus beaux verres, laquelle on appelle salicor : aussi on y cueille de l’absinte appelee Xaintonnique, à cause du pays de Xaintonge. Ladite herbe a telle vertu que quand on la fait boullir, et prenant de sa decoction, on en destrempe de la farine pour en faire des bignets fricassez en sein (graisse) de porc ou en beurre, et que l’on mange desdits bignets, ils chassent et mettent hors tous les vers qui sont dans le corps, tant des hommes que des enfans. Au parauant que i’eusse la connoissance de ladite herbe, les vers m’ont fait mourir six enfans, comme nous l’auons connu tant pour les auoir fait ouurir, que par ce qu’ils en rendaient souuent par la bouche ; et quand il estoyent pres de la mort, les vers sortoyent par les nasaux. Les pays de Xaintonge, Gascogne, Agenès, Quercy, et le pays deuers Toloze, sont fort sujets ausdits vers, et y a peu d’enfans qui en soyent exempts : à cause que les fruits desdits pays sont fort doux. Ie le di parce que les medecins de Paris m’ont attesté que c’estoit chose rare de trouuer des vers és enfans dudit lieu : toutesfois és pays des Ardennes ils y sont fort suiets. Ie ne sçay si c’est à cause de la biere, ou des laitages. Ie ne puis rendre tesmoignage sinon des pays que i’ay frequentez. Dans les rochers des isles de Xaintonge l’on y cueille aussi de la criste-marine, autrement appellee perce-pierre, laquelle a vne merveilleuse bonté et senteur, à cause de la vapeur de la mer ; quand elle est fraische, les sallades en sont fort bonnes, et plusieurs en font confire pour toute l’annee. À Paris quelques vns ont planté de ladite criste-marine : mais n’a garde d’auoir la bonté de celle qui vient naturellement sur les rochers limitrophes de la mer. Ie ne veux pas prouver par là que le sel commun soit plaisant à toutes especes de plantes : Mais ie sçay bien que les terres salées de Xaintonge portent de toutes especes de fruits qui y sont plantez, lesquels ont vne telle douceur et autant suaue qu’en lieu là où i’aye iamais esté. Les herbes sauuages, espines et chardons y croissent autant gaillardes qu’en nuls autres pays. C’est tousiours confirmation de mon argument, contre ceux qui disent que le sel est ennemy des plantes. S’il estoit ennemi des plantes, il seroit ennemi des natures humaines. Les Bourgongnons ne le diront pas : car s’ils eussent connu que le sel fut ennemi de nature humaine, ils n’eussent ordonné de mettre du sel en la bouche