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DE L’OR POTABLE.

sommé en l’estomac ? car l’effect de l’estomac de l’homme est de cuire et consommer ce qui luy est donné : et ce qui est bon pour la nourriture est enuoyé par tous les membres, pour augmenter la chair et le sang et tout ce qui est en l’homme, et le surplus il l’enuoye hors aux excrements. Or ie te demande, vn homme qui seroit nourri d’or sans manger autre chose, pourroit il engendrer quelque excrement ? si tu dis qu’ouy, l’or n’est donc pas eternel : si tu dis que non, il ne faudra pas de priuez, ny de chaires percées, pour ceux qui seroyent nourris d’or potable.

Theorique.

Il est impossible de vaincre tes opinions : toutefois plusieurs ont escrit que l’or potable a des vertus merueilleuses. N’as tu pas veu un liure imprimé depuis n’agueres[1], qui dit que le Paracelse, medecin Alemand, medecinalement a guari vn nombre de ladres (lépreux) par le moyen de l’or potable. Et toy qui n’es qu’vn tarracier desnué de toutes langues, sinon de celle que ta mere t’a apris, oses tu bien parler contre vn tel personnage, qui a composé plus de cinquante liures de medecine, lequel est estimé vnique, voire monarque entre les medecins ?

Practique.

Quand le Paracelse et tous les medecins qui furent iamais m’auroyent presché, ie diray tousiours que si l’or potable estoit mis dedans vn creuset, et soudé, que la liqueur qui auroit esté mise auec l’or se viendroit à exaller, brusler et consommer, l’or qui auroit esté potagé se rendroit en vn lingot, et si l’estomac de l’homme estoit aussi chaud qu’vne fournaise, il feroit aussi venir cest or potable en vne masse ou lingot : et s’il estoit autrement, l’or ne pourroit estre appellé fixe ou eternel, comme tu dis.

Theorique.

Et que deuiendra donc le dire du Paracelse qui en a guari tant de ladres ?

Practique.

Ie me doute que le Paracelse est plus fin que toy ny moy :

  1. Il s’agit de l’ouvrage de Roch Le Baillif, publié en 1580, intitulé : Traité de l’homme, de ses maladies, médecine et absolus remèdes, ès teintures d’or, corail et antimoine, magistère de perles, etc. Le Baillif, qui devint par la suite médecin de Henri IV, était un zélé partisan de Paracelse.