Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/241

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
193
ET ALCHIMIE.

ont destinez à besongner et seruir comme vne matrice à la generation des metaux. Et cela, disent ils, a esté bien consideré et preueu par les Philosophes antiques : car tout ainsi que l’on iette la semence du bled pour causer l’augmentation en sa seconde generation : aussi (disent ils) qu’apres qu’ils ont separé par calcinations, distillations ou autres manieres de faire, les matieres l’vne de l’autre, ils mettent couuer ou generer selon leurs desseings, leurs matieres, par poids et mesure, telle qu’ils ont imaginee, et ce fait ils mettent lesdites choses en vn feu fort lent, voulant imiter la matrice de la femme ou de la beste : sçachant bien que la generation se fait par vne lente chaleur : et afin d’auoir tousiours vn feu continuel et d’vne mesme sorte, ils se sont aduisez de faire vne lampe auec vne mesche toute d’vne grosseur, et leurs matieres estans dedans la matrice, ils les font chaufer de la chaleur de la lampe, et attendent ainsi long-temps à couuer les œufs : ie di aucuns ont attendu plusieurs annees, tesmoing le magnifique Maigret, homme docte et fort experimenté en ces choses, qui toutesfois ne pouuant venir à son desseing, se venta que si les guerres n’eussent esteint sa lampe deuant le temps, qu’il auoit trouué la féue. Autres font des fourneaux que le feu vient d’vn degré assez loing de là où l’on a mis couuer les œufs : Mais afin qu’il continuë tousiours à vne chaleur lente et de mesure, ils font quelques portes de fer, lesquelles ils ouurent selon le degré qu’ils veulent donner à leur feu. Telles gens ne dorment gueres et ont beaucoup de pensees en leurs poitrines, et tourments d’esprit, languissans apres le temps de la visitation de la couuée. Voila l’vn des points par lequel ie preuue que les Alchimistes vsent (abusent) de ce mot de semence et autres termes. Ce n’est pas sans cause que i’ay dit que c’est l’œuure de Dieu que de semer la matiere des metaux et leur donner l’accroissement, et aux hommes de les recueillir, purifier et examiner, fondre et mallier, pour les mettre en telle forme que bon leur semblera, pour leur seruice[1].

Theorique.

Voila vn propos qui est assez long, et toutesfois ie ne le

  1. Palissy est un des premiers savants qui, par la seule force de son génie, ait compris la vanité et le ridicule de certaines recherches alchimiques. Son Traité des métaux date de 1580, et deux cent cinquante ans après il y avait encore des hommes qui se livraient à ces folies.