Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/232

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

DV MASCARET QVI S’ENGENDRE AU
fleuve de Dourdongne, en la Guienne[1].


Theorique.


T u m’as fait cy deuant vn bien long discours, des effects des eaux, des feux et des tremblemens de terre : mais tu ne m’as rien dit de la cause de l’essence du Mascaret.

Practique.

Et qu’est ce que tu appelles mascaret ? car ie n’ouis iamais parler de mascaret, ny ne sçay que ce peut estre, si tu ne me le dis.

Theorique.

L’on appelle mascaret vne grande montaigne d’eau qui se fait en la riuiere de Dourdongne, vers les contrees de Libourne, et ladite montagne ne se fait sinon au temps d’esté : mesme és saisons les plus paisibles, et lors que les eaux sont les plus tranquilles, et tout en vn moment, en vne saison inconneue, la montaigne d’eau se forme en vn instant et fait une course, quelquefois bien longue, le long de l’eau, et quelquefois plus courte : et lors que la montaigne fait son cours, elle renuerse tous les bateaux qu’elle trouue en son chemin : parquoy les habitans limitrophes de la riuiere, quand ils voyent le mascaret en sa formation, ils se prennent soudain à crier de toutes parts : garde le mascaret, garde le mascaret, et les batteliers qui pour lors sont en la riuiere s’enfuyent és riuages, pour sauuer leurs vies, qui autrement seroyent pres de leur fin.

Practique.

Et qu’en disent les hommes du pays où se forme ledit mascaret ?

  1. Le mascaret n’est autre chose qu’une espèce de barre occasionnée par le reflux ou la marée montante. Ce phénomène ne se montre ordinairement qu’en automne.