Page:Palissy - Oeuvres complètes (P. A. Cap, 1844).djvu/208

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
160
DES EAUX

qu’elles ont ce naturel, le cancre sçachant bien qu’elles se viendront presenter, portes ouuertes, quand la mer retournera en ses limites, se tient pres de leurs habitations, et ainsi que l’huitre aura ses deux coquilles ouuertes, ledit cancre pour tromper l’huitre prend vne petite pierre, laquelle il met entre les deux coquilles, afin qu’elles ne se puissent clorre, et ce fait, il a moyen de se repaistre de laditte huitre. Mais les souris n’ont pas conneu la cause pourquoy les huitres auoient deux coquilles : car il est aduenu en plusieurs lieux bien distans de la mer, lors que les huitres sentoyent l’heure de la maree, et qu’elles se venoient à ouurir, comme i’ay dit cy dessus, les souris les trouuans ouuertes, les vouloyent manger, et l’huitre sentant la douleur de la morsure venoit à clorre et resserrer ses deux coquilles, et par ce moyen plusieurs souris ont esté prises : car elles n’auoyent pas mis de pierre entre deux, comme le cancre. Quant est des gros poissons, les pescheurs des isles de Xaintonge ont inuenté vne belle chose pour les tromper : car ils ont planté en certains lieux dedans la mer, plusieurs grandes et grosses perches, et en icelles ont mis des poulies, ausquelles ils attachent les cordes de leurs rets ou filets, et quand la mer s’en est allee, ils laissent couler leurs filets dessus le sable, laissans toutesfois la corde où ils sont attachez, tenant des deux bouts ausdittes poulies. Et quand la mer s’en reuient, les poissons viennent auec elle, et cherchent pasture d’vn costé et d’autre, ne se donnant point de difficulté des filets qui sont sur le sable, par ce qu’ils nagent au dessus : et quand les pescheurs voyent que la mer est preste de s’en retourner, ils leuent leurs filets iusques à la hauteur de l’eau, et les ayant attachez audites perches, le bas desdits filets est compressé de plusieurs pierres, de plomb, qui les tient roides par le bas. Les mariniers ayants tendu leurs rets et esleuez en telle sorte, attendent que la mer s’en soit allee, et comme la mer s’en veut aller, les poissons la veulent suyure, comme ils ont accoustumé : mais ils se trouuent deceus d’autant que les filets les arrestent, et par ce moyen sont pris par les pescheurs, quand la mer s’en est allee.

Et afin de ne sortir hors de nostre propos ie te donneray vn autre exemple. Il faut tenir pour chose certaine que la mer est aussi haute en esté comme en hyuer, et quand ie dirois