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la teste d’vn homme, et ayant tiré son essence par calcinations, et distillations, sublimations et autres examens faits par matrats, cornues, et bainmaries, et ayant separé toutes les parties terrestres de la matiere exhallatiue, ie trouuay, que veritablement, en l’homme il y auoit vn nombre infini de folies, que quand ie les eu apperceuës, ie tombay quasi en arriere comme pasmé, à cause du grand nombre des folies, que i’auois apperceu en ladite teste. Lors me print soudain vne curiosité et enuie, de sçauoir qui estoit la cause de ses grandes folies, et ayant examiné de bien pres mon affaire, ie trouuay que l’auarice et ambition auoit rendu presque tous les hommes fols, et leur auoit quasi pourri toute la ceruelle : lors que i’eu apperceu vne telle chose, ie fus plus desireux de veoir les malices des hommes, que ie n’estois au parauant, qui fut cause, que ie prins la teste d’vn Limosin, et l’ayant mise à l’examen, ie trouuay qu’il auoit sa teste pleine de folies, et grand mixtionneur et augmentateur de drogues, tellement qu’il se trouua, qu’il auoit acheté trente cinq sols la liure du bon poiure à la Rochelle, et puis le bailloit à dix sept sols à la foire de Niord, et gagnoit encore beaucoup, à cause de la tromperie qu’il auoit adioustee audit poiure. Lors ie luy demanday, pourquoy il estoit ainsi fol, et sans entendement, de tromper ainsi meschamment les marchands : mais sans aucune honte, ce meschant soustenoit, que la folie qu’il faisoit, estoit vne sagesse, et ie luy remonstray lors qu’il se damnoit, et qu’il valoit mieux estre pauure que non pas d’estre damné : mais cest insensé disoit, que les pauures n’estoyent en rien prisez, et qu’il ne vouloit estre pauure, quoy qu’il en deust aduenir : dont ie fus contraint de le laisser en sa folie. Apres i’empoignay la teste d’vn ieune homme, sans auoir esgard de quel estat il estoit, et ayant mis la teste à l’examen, ie trouuay, que la plus part d’icelle n’estoit que folie, et ayant vn peu contemplé le personnage, i’entray en dispute auec luy, en luy demandant, Frere, qui t’a meu ainsi de couper ce bon drap, que tu portes en tes chausses, et autres habillemens ? sçais-tu pas bien, que c’est vne folie ? mais c’est insensé me vouloit faire accroire, que les chausses ainsi coupees, dureroyent plus que les autres, ce que ne pouuois croire. Lors ie luy dis, Mon ami, asseure toy de cela, n’en doute point, que le premier qui fit decouper ses chausses, es-