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du ruisseau, qui passoit au pied desdites aubarees, et d’autre part i’entendois la voix des oiselets, qui estoyent sur lesdits aubiers : et lors me venoit à souuenir du Pseaume cent quatriesme, sur lequel i’auois edifié mon iardin, auquel le Prophete dit, Que les ruisseaux passent et murmurent aux vallees et bas des montagnes : aussi dit-il, Que les oiselets font resonner leurs voix sur les arbrisseaux, plantez sur les bords des ruisseaux courans. Il me sembloit aussi, que quand ie fus las de pourmener en ladite prairie, ie me tournay deuers le costé du vent d’Ouëst, où sont les bois et montagnes, et lors me sembloit, que i’apperceu plusieurs choses, qui sont deduites et narrees au Pseaume susdit : car ie voyois les connils[1] iouans, sautans, et penadans le long de la montagne, pres de certaines fosses, trous et habitations, que le Souuerain Architecte leur auoit erigé, et soudain que les animaux apperceuoyent quelqu’vn de leurs ennemis, ils sçauoyent fort bien se retirer au lieu qui leur auoit esté ordonné pour leur demeurance. Ie voyois aussi le renard, qui se ralloit le long des buissons, le ventre contre terre, pour attrapper quelqu’vne de ces petites bestes, à fin de contenter le desir de son ventre. Brief, il me sembloit que i’auois les plaisirs de voir cheures, dains, bisches, et cheureaux le long desdites montagnes, en la mesme sorte, ou bien pres du deuis que le Prophete Dauid nous descrit en ce Pseaume cent quatrieme. Item, m’estoit auis, que i’entendois la voix de plusieurs vierges, qui gardoyent leurs troupeaux : pareillement me sembloit, que i’oyois certains bergers iouans melodieusement de leurs flaiols : et lors me sembloit, que ie disois en moy-mesme, ie m’esmerueille d’vn tas de fols laboureurs, que soudain qu’ils ont vn peu de bien, qu’ils auront gagné avec grand labeur en leur ieunesse, ils auront apres honte de faire leurs enfans de leur estat de labourage, ains les feront du premier iour plus grands qu’eux-mesmes, les faisans communement de la pratique, et ce que le pauure homme aura gagné à grande peine et labeur, il en despendra vne grand’ partie à faire son fils Monsieur, lequel Monsieur aura en fin honte de se trouuer en la compagnie de son pere, et sera desplaisant qu’on dira qu’il est fils d’vn laboureur. Et si de cas fortuit, le bon homme a

  1. Lapins, Cuniculus.