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restaurer, et tu trouueras, que soudain qu’elles sont sur la langue, elles se commencent à dissoudre : car autrement, la langue ne pourroit iuger de la saueur de la chose : et si la langue ne reçoit aucune saueur, ni goust bon, ne mauuais de ce qui luy est presenté, tu peux par là aisement iuger, que le ventre, ne l’estomac ne pourront aussi receuoir quelque saueur de ce qui leur sera presenté. Considere aussi que nulle chose n’est bonne pour nourriture, que d’elle-mesme ne soit suiecte à s’eschauffer, corrompre, et putrefier : c’est vn argument bien notable, pour soustenir mon propos. Or il est ainsi, que l’or n’est suiet à nul de ces accidens : tu as beau appiler des escus ensemble, ils n’ont garde de s’eschauffer, ne putrefier, comme font les choses bonnes à manger. Que diras-tu là ? As-tu quelque chose, pour legitimement contredire à ce propos ? Peut estre que tu diras, qu’il faut croire les Doctes et Anciens, qui ont escrit ces choses, il y a vn bien long temps, qu’il ne se faut arrester à mon dire, d’autant que ie ne suis ne Grec, ne Latin, et que ie n’ay rien veu des liures des Medecins. À ce ie respons, que les Anciens estoyent aussi bien hommes comme les Modernes, et qu’ils peuuent aussi bien auoir failli comme nous : et qu’ainsi ne soit, regarde vn peu les œuures d’Ysidore, et du Lapidaire, et de Dioscorides, et plusieurs autres autheurs anciens : quand ils parlent des pierres rares, ils disent, que les vnes ont vertu contre les diables, et les autres contre les sorciers, et les autres, pour rendre l’homme constant, plaisant, beau et victorieux en bataille, et plus d’vn millier d’autres vertus, qu’ils attribuent ausdites pierres. Ie te demande, N’est-ce pas vne fausse opinion, et directement contre les authoritez de l’Escriture Saincte ? Si ainsi est, que ces Docteurs anciens, et tant excellens ayent erré en parlant des pierres, pourquoy est-ce que tu voudrois me nier, qu’ils ne puissent avoir erré, en parlant de l’or ? Si tu dis, que peut estre que l’or estant dans le corps a pouuoir d’attirer à soy les mauuaises humeurs, comme l’emant tire le fer, ie te demande, Pourquoy est-ce donc, que tu le separes en tant de parties ? Car les vns le mangent estant limé, et les autres battu par fueilles, et d’espece bien menu : or si l’emant estoit ainsi puluerisé, il n’auroit pouuoir d’attirer le fer, comme il a, estant ioint en vne masse. Parquoy, ie conclus, que si on ne me donne meilleure raison, que celles