Page:Palissot de Montenoy - Œuvres complètes, tome 1 - 1778.djvu/264

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le Cadi.

Levez-vous, vous dis-je.

Le Barbier.

Je sais trop…

Le Cadi.

Je vous l’ordonne.

Le Barbier.

Seigneur, je traversais à l’instant une rue détournée, chargé d’un panier plein de provisions pour la subsistance de ma famille. J’avais fait emplette de deux chapons, d’une oye, & par-dessus tout cela d’un morceau de fromage d’une odeur admirable, & qui devait être délicieux. J’invitais déjà dans ma tête ceux de mes amis à qui je ferais part de cet excellent morceau, lorsqu’un esclave du Seigneur Almanzor a passé près de moi. Cet insolent, sans respect pour mon âge, ni pour la sagesse de vos sublimes ordonnances, s’est jetté sur le panier qui renfermait mes provisions, & d’abord s’est emparé de ce qu’il y avait de meilleur. J’ai mis le panier à terre pour le lui disputer ; mais, pour m’ôter toute esperance, & comme s’il eût voulu me braver, il a commencé par manger le fromage avec une avidité qui tient du prodige. Je le dévorais des yeux, & pendant que je me disposais à m’élancer sur lui, le traître a si bien pris son