Page:Palante - Précis de sociologie, 1901.djvu/89

Cette page a été validée par deux contributeurs.

le blessent, il se raidit et fort souvent chasse les intruses. Pour faire son chemin, une idée doit se présenter sous un aspect sympathique : Ouvrez un livre. S’il est écrit par un esprit marqué au cachet de la distinction, vous sentez l’attrait se réveiller en vous. Vous allez jusqu’au bout du volume. Quelque chose de mystérieux vous rapproche de l’auteur, chaque phrase pénètre dans votre entendement. Le livre exerce une impression profonde et durable. Même s’il est paradoxal, vous retenez des opinions de l’auteur ce résidu de vérité qui souvent se trouve mêlé à l’erreur. Au contraire, si le livre heurte votre sentiment, aucun de ces phénomènes ne se produit, et vous pouvez le jeter au bout de quelques pages.

« Or, c’est l’élite qui, à chaque époque de la vie d’une nation, détermine ce qui est distingué et ce qui ne l’est pas. La distinction d’aujourd’hui n’est pas celle de la veille et ne sera pas celle du lendemain. Mais il y en a toujours une qui est celle de l’heure présente[1]. »


  1. Novicow, Conscience et Volonté sociales, p. 109. — M. Anatole France, aussi admirable comme sociologue que comme artiste, s’exprime ainsi au sujet des élites : « Toute une ville, toute une nation, résident en quelques personnes qui pensent avec plus de force et de justesse que les autres… Ce qu’on appelle le génie d’une race ne parvient a sa conscience que dans d’imperceptibles minorités ; ils sont rares en tout lieu les esprits assez libres pour s’affranchir des terreurs vulgaires et découvrir eux-mêmes la vérité voilée » (A. France, M. Bergeret à Paris).