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effets bien connus sous le nom de népotisme dans nos administrations actuelles qui sont les corporations ou castes d’aujourd’hui.

Dans d’autres cas, la continuité sociale a un fondement psychologique. Ce fondement n’est autre que le conformisme intellectuel et moral qui se transmet dans un groupe des prédécesseurs aux successeurs. La continuité résulte ici de ce fait qu’il reste toujours assez de membres anciens en fonction pour initier les nouveaux ; c’est ce qui rend par exemple si stables le clergé catholique et les corps de fonctionnaires. C’est ce qui leur permet de maintenir invariable, à travers tous les changements individuels, l’esprit objectif qui fait leur essence..

La loi de continuité sociale se symbolise dans l’ordre politique par la transmission héréditaire de la dignité suprême. Elle peut aussi s’objectiver dans certains objets impersonnels qui sont la propriété inaliénable du groupe. Le meilleur exemple ici est l’institution des biens de mainmorte. On a pu dire avec raison : Le domaine des corporations ecclésiastiques ressembla longtemps à la caverne du lion où tout peut entrer, mais d’où rien ne sort.

Remarquons que cette loi de continuité sociale, si elle agit d’une façon trop absolue, finit par produire des effets contraires à son but. Une société où rien ne se renouvelle n’est pas loin de son déclin. « Il y a, dit Nietzche, un degré d’insomnie, de rumination, de sens historique qui nuit à l’être vivant et qui finit par l’anéantir, qu’il s’agisse d’un homme, d’un peuple ou d’une civilisation[1]. »


  1. Nietzche, Considérations inactuelles.