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de toute histoire ; qu’on soit donc assez loyal envers soi-même pour se l’avouer[1] ! »

Pour étudier avec précision le phénomène de la conservation des sociétés, nous distinguerons une loi générale et des lois particulières qui ne sont que des applications de la loi générale.

Cette dernière a été nettement formulée par MM. Simmel[2] et Sighele :

« Dans chaque société, dit M. Simmel, se produit un phénomène qui caractérise également la vie individuelle : à chaque instant, des forces perturbatrices, externes ou non, s’attaquent au groupement, et s’il était livré à leur seule action, elles ne tarderaient pas à le dissoudre, c’est-à-dire à en transférer les éléments dans des groupements étrangers. — Mais à ces causes de destruction s’opposent des forces conservatrices qui maintiennent ensemble ces éléments, assurent leur cohésion, et par là garantissent l’unité du tout jusqu’au moment où, comme toutes les choses terrestres, ils s’abandonneront aux puissances dissolvantes qui les assiègent. — À cette occasion on peut voir combien il est juste de présenter la société comme une unité sui generis, distincte de ses éléments individuels. Car les énergies qu’elle met en jeu pour se conserver n’ont rien de commun avec l’instinct de conservation des individus. Elle emploie pour cela des procédés tellement différents, que très souvent la vie des individus reste intacte et prospère, alors que celle du groupe s’affaiblit, et inversement[3]. »

M. Sighele résume de son côté de la manière suivante la loi essentielle de la conservation sociale : « Une loi

  1. Nietzche, Par delà le Bien et le Mal, § 259.
  2. Nous nous sommes beaucoup aidé, dans cette partie de notre travail de la remarquable étude de M. Simmel : Comment les formes sociales se maintiennent (Année sociologique, 1897).
  3. Simmel, Comment les formes sociales se maintiennent. (Année sociologique, 1896-97, p. 75. Paris, F. Alcan).