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duit sont souvent, il faut le reconnaître, peu esthétiques ; elles donneraient une triste impression à l’artiste épris de beauté ou simplement au moraliste épris de sincérité et de noblesse. M. Sighele a laissé peu de chose à dire sur ce point. Il insiste souvent sur cette vérité que « toute réunion, tout groupe d’hommes est moralement et intellectuellement inférieur aux éléments qui le composent[1] ». Ailleurs, il déclare que « les nombreuses réunions d’hommes ravalent toujours, par une loi fatale de psychologie collective, la valeur intellectuelle de la décision à prendre ». — Après Schopenhauer, Maupassant et Ibsen, il parle des avantages de la solitude, — libératrice et féconde, — qui nous soustrait aux hypocrisies et aux lâchetés de l’âme grégaire.

Mais dira-t-on, toutes les solidarités ne sont pas menteuses et oppressives. Il peut y en avoir de désintéressées. Si les hommes s’unissent pour entretenir des mensonges qui leur sont utiles, ils peuvent aussi s’unir pour chercher et répandre ensemble la vérité. Soit. Mais M. Izoulet ne fait pas cette distinction. Pour lui, la solidarité est essentiellement bonne et bienfaisante. Elle est bonne par le fait qu’elle est solidarité. C’est là un optimisme social que nous ne saurions partager. Nous sommes plutôt de l’avis de Nietzche, qui a admirablement décrit l’âme grégaire fille de la solidarité : « Tant que l’utilité dominante dans les appréciations de valeur morale est seule l’utilité de troupeau, tant que le regard est uniquement tourné vers le maintien de la communauté, que l’immoralité est exactement, exclusivement cherchée dans ce qui paraît dangereux à l’existence de la communauté, il ne pourra pas y avoir de morale altruiste. Admettons qu’il se trouve là aussi déjà un constant petit exercice d’égards, de pitié, d’équité, de douceur, de réciprocité et d’aide

  1. Sighele, Psychologie des Sectes, p. 221.