Page:Palante - Précis de sociologie, 1901.djvu/181

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tirent tous : ils sont comme des chevaux libres en train de courir et dont l’un gagne l’enjeu. »

La conscience individuelle l’emporte en clarté et en sincérité sur la conscience sociale.

En sincérité d’abord. La conscience sociale d’une époque donnée est un tissu de mensonges conventionnels, de mots d’ordres imposés et lâchement subis[1].

En clarté ensuite. La conscience sociale est un tissu de contradictions qu’une réflexion un peu pénétrante met à nu. Elle est pour ainsi dire la partie obscure, non pensante, des consciences individuelles. Elle n’est pas une pensée, mais une pseudo-pensée collective. Il y a dans une organisation sociale toutes sortes de principes qu’on invoque comme des vérités évidentes et dont on serait incapable de réaliser le contenu psychologique dans une pensée réelle. Ce sont de purs psittacismes.

C’est la conscience individuelle qui perce ces mensonges. C’est elle qui armée d’une ferme logique, résout les contradictions et met à néant les psittacismes sociaux. La conscience sociale, synthèse d’égoïsmes étroits, manque de l’esprit de finesse, de la force de pénétration et de l’indépendance avec laquelle un esprit individuel peut aborder les problèmes de la vie et de la société. Les jugements émis par les groupes sont forcément grossiers, massifs et tout d’une pièce. Un groupe juge les choses et les hommes d’une manière unilatérale. J’entends par là qu’il les voit uniquement sous l’angle de l’utilité actuelle du groupe. Si sur un seul point l’attitude d’un homme a été ou a paru être en contradiction avec le conformisme plus ou moins conventionnel du groupe, cet homme n’a à attendre aucun égard, aucune intelligence même dans les jugements qu’on portera sur lui. Cet on, cette force impersonnelle et anonyme, on, l’a condamné sans appel

  1. Voir le livre de M. Max Nordau, Les Mensonges conventionnels (Paris, F. Alcan).