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de l’individualité intellectuelle et morale. » Le même auteur dit que dans le socialisme, il y a une question aristocratique au sein de la question sociale (Das ist die aristokratiache Frage innerhalb der sozialen)[1].

Beaucoup de démocrates français sont du même avis. Citons MM. G. Rénard et Izoulet. Ce dernier dit « que la démocratie tend à rendre à l’aristocratie personnelle sa place et son rôle usurpés par l’autre… La Révolution est venue substituer à une fausse élite l’élite vraie[2] ».

Cette question des élites sociales est une des plus délicates et des plus difficiles que l’on puisse aborder. Ainsi il est bien difficile de distinguer par un critérium sûr la vraie et la fausse élite. M. Izoulet, d’autre part, ne se fait-il pas illusion quand il croit à l’infaillibilité de mécanismes sociaux de sélection dans la démocratie ? Les aristocraties falottes qui émergent de notre démocratie d’aujourd’hui, toutes fondées sur le népotisme et le favoritisme ont-elles beaucoup plus de valeur que les aristocraties d’autrefois ? — C’est ce qu’il est bien malaisé de décider.

Une distinction propre peut-être à jeter quelque lumière sur la question est la suivante : Suivant nous, il n’y a pas de supériorité sociale, de supériorité de classe : il n’y a que des supériorités individuelles. L’idée de classe est vaine, mais l’idée d’élite (en entendant par là qu’il y a des inégalités intellectuelles et morales entre les individus) est indestructible. Suivant nous, même il y a antinomie entre l’idée de classe et l’idée d’élite. Par le fait qu’un homme accepte de faire partie d’une classe, même dirigeante ou soi-disant telle, par le fait seul d’adhérer à ses maximes convenues et à sa discipline sociale, il abdique dans une certaine mesure son individualité ; il se grégarise, il épouse les préjugés de classe de ses pairs ; il se domestique et tombe dans

  1. Gystrow, Etwas über Nietzche und uns Sosialisten.
  2. Izoulet, La Cité moderne, introduction (Paris, F. Alcan).