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des Foules et des Sectes, quand M.  Max Nordau étudie de près l’atmosphère de mensonge dont la société contemporaine enveloppe l’individu ; quand Mme  Laura Marholm[1] suit les variations de la mentalité féminine d’après les variations du milieu social ; lorsque Schopenhauer analyse la mentalité de « la Dame », et son rôle dans la société actuelle, lorsque Nietzche étudie les conséquences sociales de la généralisation du sentiment de la Pitié dans notre civilisation européenne, ou encore lorsqu’il analyse la nature morale et les effets sociaux du renversement de l’échelle des valeurs opéré par le christianisme, il n’est personne qui puisse méconnaître le haut intérêt sociologique de semblables recherches psychologiques.

D’une manière générale, la psychologie sociale recherche les rapports de la conscience individuelle et de la conscience sociale. Tantôt elle met en lumière les points de contact qui peuvent se rencontrer entre ces deux consciences, tantôt elle insiste sur leurs contradictions et les conflits qui en résultent.

Il y a de profondes et délicates analogies entre l’âme des individus et celle des sociétés. Telle est par exemple cette vérité aperçue par Nietzche que parfois un heurt violent, une rupture énergique avec le passé est, pour les peuples comme pour les individus, une condition du renouvellement de la vitalité. « Il y a, dit Nietzche, un degré d’insommie, de rumination, de sens historique, qui nuit à l’être vivant et qui finit par l’anéantir, qu’il s’agisse d’un homme, d’un peuple ou d’une civilisation. »

De telles intuitions, empruntées à la psychologie la plus pénétrante nous font saisir sur le vif les conditions les plus délicates de la vie des sociétés.

Les luttes qui se livrent au sein des consciences individuelles ne sont souvent que le reflet d’antago-

  1. Laura Marholm, Zur Psychologie der Frau. Berlin, 1897.