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des fins toutes différentes et que cet idéal caractéristique où se suspend le tissu plus ou moins compliqué de leurs activités lui donne seul son prix et son rang véritables. Parmi les sociétés, les unes en travaillant, songent à la guerre et à la gloire, les autres au commerce et à la richesse ; les autres au salut des chrétiens et à la vision éternelle de Dieu, les autres au plaisir et à l’amour. Sous des dehors tout semblables parfois, une civilisation voluptueuse et une civilisation ambitieuse n’en diffèrent pas moins essentiellement, et c’est d’après l’élévation de leur idéal, non d’après la division ou la cohésion de leur travail en vue de cet idéal, qu’il est permis de les classer[1].

D’après M. de Roberty, le progrès consiste avant tout dans le développement de ce qu’il appelle la série mentale ou intellectuelle, vaste hiérarchie composée de quatre grandes classes de conceptions qui se suivent dans un ordre nécessaire et régulier : les idées scientifiques, les idées philosophiques et religieuses, les idées esthétiques et les idées pratiques ou techniques. Le progrès scientifique domine et entraîne tous les autres. « Le progrès de la connaissance est la seule espèce possible de progrès social. Tout phénomène qui, dans n’importe quelle autre branche de l’activité collective, s’offre à nos yeux comme un progrès doit pouvoir exprimer ou appliquer un surcroît de connaissance, doit pouvoir donner corps à une idée théorique. Lorsqu’il devient avéré que tel n’est pas le cas, la prétendue marche en avant dans l’art, dans la politique, dans l’industrie, dans la philosophie, dans les mœurs, dans les lois, n’est qu’une illusion qui souvent recouvre un recul, une déchéance[2]. » À cette question : Le Progrès existe-t-il ? M. de Roberty répond affirmativement. Le progrès scientifique existe. Il est de l’essence du savoir non

  1. Tarde, Études de Psychologie sociale, p. 112.
  2. De Roberty, Les Fondements de l’Éthique, p. 126. Paris, F. Alcan.