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CHAPITRE V

ANTAGONISME DES DEUX LOIS D’ASSIMILATION ET DE DIFFÉRENCIATION SOCIALE

Nous nous trouvons en présence de deux lois contraires : la loi de différenciation sociale, d’après laquelle l’évolution sociale consiste dans une marche du grand au petit, du simple au complexe, de l’homogène à l’hétérogène, et la loi d’assimilation sociale progressive d’après laquelle cette évolution consiste dans un passage du petit au grand, de l’hétérogène à l’homogène. Cette dernière loi est un corollaire des lois de l’Imitation, de même que la différenciation progressive est un corollaire des lois de l’opposition. D’après la loi d’assimilation progressive (Tarde), l’humanité marcherait vers un monisme absolu, vers un conformisme complet, scientifique, technique, intellectuel, esthétique et moral[1]. D’après la loi de différenciation progressive (Simmel), les formes sociales et les consciences individuelles iraient en se compliquant et se diversifiant de plus en plus.

Telles sont les deux lois antagonistes qui semblent se disputer l’influence dans l’évolution des sociétés. Dans quelle mesure agissent-elles ? Comment combinent-elles leurs effets ? Quelle est celle de ces deux

  1. M. Tarde ne pose pas d’ailleurs ce monisme comme un idéal absolument désirable. Il en reconnaît les dangers. « Puisse, dit-il, pour les libres esprits, se prolonger cette inappréciable anarchie intellectuelle qu’Auguste Comte déplorait ! » (Tarde, Les Lois de l’Imitation, p. 313).