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décroissant avec la civilisation. Ne s’imite-t-on pas moins dans les sociétés modernes que dans les sociétés primitives ? La réponse est facile. La vérité est qu’on ne s’imite pas moins ; on s’imite autrement. — On imite moins ses ancêtres, mais on imite plus ses contemporains même étrangers. On imite moins de gens en tout, mais plus de gens en quelque chose… En un mot, le règne de la mode se substitue au règne de la coutume. La lutte de la mode et de la coutume est peut-être le secret de toutes les luttes entre les partis conservateurs et les partis libéraux. M. Tarde qui pose cette loi du passage de la coutume à la mode croit pouvoir remarquer, il est vrai, que la mode elle-même tend à se cristalliser en coutume et qu’il y aurait ici un de ces ricorsi dont parle Vico. Il croit qu’une sorte de rythme tend à naturaliser les importations, à donner à l’usage venu de l’étranger la force d’une pratique autochtone et à nous ramener ainsi du cosmopolitisme au traditionalisme. — Pour M. Durckheim au contraire, une société qui s’est une fois soustraite à l’autorité de la tradition y reste soustraite à jamais.

On pourrait, ce nous semble, objecter à M. Tarde qu’il existe un grand nombre de modes qui disparaissent à peine nées et qui n’ont pas le temps de se cristalliser en coutume.

Une autre loi d’évolution relative à l’imitation est la loi du passage de l’unilatéral au réciproque. L’effet de l’imitation est de transformer à la longue en rapports mutuels les rapports unilatéraux.

À l’origine par exemple, la guerre n’était qu’une chasse humaine, la destruction ou l’expulsion de quelqu’un qui ne peut pas se défendre, d’une tribu pacifique par une horde de brigands. Les devoirs de politesse n’étaient pas réciproques entre les hommes ; il n’y avait que des hommages et compliments faits aux chefs, seigneurs ou rois sans réciprocité. Il n’y avait pas d’enseignement ni de discussion mutuels ; mais les