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l’antinomie dans la vie affective

les formes d’altruisme ; il ne repousse que l’altruisme grégaire et il le repousse précisément au nom de son idéal d’altruisme supérieur. Mais dans la suite, l’individualiste aristocrate, l’ariste dans l’ordre du sentiment, acquiert la conviction que l’altruisme grégaire s’insinue fatalement, partout où les hommes sont rassemblés, dans l’autre altruisme pour le corrompre et l’abaisser ; que l’altruisme grégaire a toujours le dernier mot contre l’idéal de générosité des âmes d’élite. L’individualisme aristocratique aboutit par là à une condamnation globale de la sociabilité, à une attitude d’incroyance et de scepticisme à l’endroit de toutes les formes d’altruisme et de solidarité. C’est dire qu’il arrive, par un plus long détour, à peu près à la même conclusion que l’individualisme stirnérien : à un pyrrhonisme sentimental comme à un pyrrhonisme intellectuel, à un isolement misanthropique et antisocial dont les motifs, l’expression et le degré d’âpreté varient avec les différents individus, suivant que leur sensibilité était plus ou moins vive et a été plus ou moins douloureusement éprouvée au contact des réalités sociales.