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les antinomies entre l’individu et la société

supérieur à celui de la foule qu’ils se séparent d’elle.

Solness me s’isole pas de son milieu ; sa sentimentalité se greffe sur celle de son groupe ; son effort d’intrépidité est suscité par un sentiment supérieur de sociabilité, par le dévouement à un haut idéal (Hilde symbolise pour lui la jeunesse, le renouveau, l’avenir). Chez Ibsen comme chez Nietzsche, l’amour du risque, l’effort d’intrépidité déployé par l’individu est mis au service d’une idée sociale.

Mais l’individualisme aristocratique traverse, chez presque tous ses représentants, deux stades successifs : l’un de confiance optimiste et de généreuse ardeur ; l’autre de désabusement et de découragement.

L’individualisme de la première période est au fond un altruisme supérieur, confiant dans sa propre réalisation. L’individualisme de la seconde période est ce même altruisme méconnu, déçu et désabusé. Ce passage du premier moment au second est l’histoire de presque tous les hommes qui ont apporté au monde des désirs généreux, de nobles desseins et de vastes espoirs. C’est l’histoire d’un Vigny, d’un Gobineau. C’eût été peut-être celle d’un Nietzsche, si Nietzsche n’était mort trop tôt pour être parvenu encore au second moment de l’individualisme aristocratique.

Cet individualisme ne commence pas, comme celui de Stirner, par répudier indistinctement toutes