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les antinomies entre l’individu et la société

Guyau et celle du passage de l’égoïsme à l’altruisme, de Spencer, expriment plutôt des desiderata de moralistes que des constatations de sociologues.

La loi de l’intégration sociale progressive, à la supposer exacte, ne supprimera pas l’égoïsme, l’envie, la malveillance et la haine. Rapprocher les hommes, les intégrer dans des sociétés de plus en plus nombreuses, de plus en plus enchevêtrées et de plus en plus compactes n’est pas un sûr moyen de les pacifier ni de les unir par les liens du cœur[1].

La sensibilité reste, en partie du moins, réfractaire à la socialisation et il y a une antinomie affective de l’individu et de la société, comme il y a une antinomie intellectuelle.

Il y a place pour un individualisme sentimental comme pour un individualisme intellectuel. Mais de quel individualisme s’agit-il ?

De même que nous avons distingué deux formes d’individualisme intellectuel : un individualisme de la différenciation pure et simple ou individualisme stirnérien et un individualisme aristocratique, nous

  1. Le degré d’efficacité des morales et des disciplines sociales peut être surtout démontré par des faits exceptionnels qui se produisent lorsque, pendant des catastrophes, la loi positive ne peut plus être appliquée. (Avant l’arrivée des Français à Moscou en 1812 ou après l’éruption volcanique, récente, à la Martinique.) Alors, les autorités ne fonctionnant plus, les passions antisociales de la population se sont déchaînées de façon à donner une idée bien faible de l’efficacité de l’instinct social. (Observation de M. Metchnikoff ; dans son livre : Essai sur la nature humaine. Essai de philosophie optimiste, p. 143).