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l’antinomie dans la vie affective

On peut admettre, pour faire la part de la sociabilité, que l’incohérence sentimentale qui caractérise la sensibilité humaine est en partie créée ou tout au moins favorisée par l’état de discorde et d’incohérence des institutions sociales ; par ce que les sociologues appellent le manque d’intégration sociale. Et dans la mesure où elle dépend de ces causes et conditions sociales, on peut admettre aussi que cette désharmonie peut être diminuée par une organisation sociale meilleure, par une intégration plus parfaite, par une éducation mieux comprise. Mais cette désharmonie ne tient pas uniquement à des raisons sociales. Elle tient vraisemblablementà notre nature primitive ; à notre physiologie compliquée, instable et discordante, à nos atavismes contradictoires. Notre coeur est troublé par nos mille naissances, par nos mille hérédités animales et humaines ; par notre obscure descendance animale qui nous a fait sortir sans doute d’une espèce très médiocrement socialisée.

C’est pourquoi les tentatives des sociologues et des moralistes sont condamnées à rester vaines ou en grande partie inefficaces. — Aucun mécanisme passionnel à la Fourier, aucune morale intellectualiste, aucune religion de l’humanité selon la formule comtiste ne palliera ni n’atténuera sérieusement la discordance du jeu interne et externe des passions. La loi de la fusion croissante des sensibilités de