Page:Palante - Les antinomies entre l’individu et la société, Alcan, 1913.djvu/85

Cette page n’a pas encore été corrigée
80
les antinomies entre l’individu et la société

faible ou encore à obliger autrui ou à lui prouver notre reconnaissance et nous acquitter envers lui. Même dans les plaisirs intellectuels et esthétiques, les plus sympathiques et les plus altruistes de tous, les passions envieuses et combatives ne désarment pas entièrement. Il y a des rivalités, des haines littéraires ou artistiques qui divisent les amis du beau autant et plus que les autres hommes.

Les caractères que nous venons d’énumérer : unicité, incommunicabilité, instantanéité, insatiabilité du désir, incohérence sentimentale, rendent la sensibilité humaine évidemment impropre à une sociabilité parfaite ou même un peu perfectionnée. C’est pourquoi la société et particulièrement ceux qui, dans la société, représentent la tendance sociale, sociologues, moralistes, éducateurs s’efforcent de les réduire et de les corriger le plus possible : l’unicité par le conformisme, la spontanéité par la règle, l’instantanéité par l’esprit de suite, l’insatiabilité du désir par l’appel à la résignation et par les perspectives des Paradis humanitaires ; la discordance de nos affections et de nos passions soit par un ordre social artificiel capable d’harmoniser du dehors nos désirs discordants (Fourier) soit par la notion d’un ordre objectif et scientifique supérieur aux caprices et aux fantaisies des sensibilités individuelles[1] (A. Comte).

  1. Voir A. Comte. Discours préliminaire.