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l’antinomie dans la vie affective

la haine, la cruauté et la tendresse se combattent et se mêlent paradoxalement. Cette incohérence affective se retrouve dans tous nos sentiments. — L’amour, a-t-on dit, est un « égoïsme à deux » mais il faut ajouter que ces deux égoïsmes restent, distincts, armés et prêts à la lutte. Toute passion amoureuse, de quelque raffinement idéal qu’elle se pare, est un cas d’hypnose sensuelle et sentimentale. Des amants, l’un est suggestionneur, l’autre suggestionné ; l’un domine et l’autre est dominé. Il y a au fond de l’amour une volonté de lutte et de domination. — Ce qui se passe dans la série animale éclaire l’essence du phénomène amoureux chez l’homme. Le fait de la femelle dévorant le mâle après en avoir joui, fait si fréquent dans certaines espèces, surtout chez les insectes, est le prélude et l’annonce de ce qu’on appelle si justement le « duel des sexes » dans l’espèce humaine. L’élément agressif et destructif dans l’amour a inspiré nombre de poètes, de romanciers et d’auteurs dramatiques (Mérimée dans Carmen et la Venus d’Ille, Strindberg dans Père et dans Mademoiselle Julie). C’est de là sans doute qu’est né le thème poétique de la parenté de l’amour et de la mort.

Cette même mixture contradictoire d’égoïsme et d’altruisme, d’appétit de domination et d’amour du sacrifice se retrouve dans des sentiments supérieurs tels que le plaisir que nous prenons à défendre le