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l’antinomie dans la vie affective

Sans doute on peut se demander si ce sentiment d’insatiabilité n’est pas en partie d’origine sociale et on peut contester qu’il plaide en faveur de l’isolement. Les désirs de l’individu ne seraient certainement pas plus satisfaits à l’état isolé qu’à l’état social. Ce sont les satisfactions mêmes que nous recevons de notre milieu qui nous rendent plus exigeants. C’est parce que l’individu bénéficie des avantages matériels et moraux de la coopération, c’est parce qu’il est comblé par le groupe qu’il se rassasie des avantages qu’il lui doit. Cette exigence n’existerait pas chez un individu isolé. Car nous n’imaginons et ne désirons que des choses qui nous sont partiellement connues et que notre milieu met en partie à notre disposition. Il n’y a pas un abîme entre ce que nous désirons et ce que nous avons. L’individu à l’état isolé, ayant moins de jouissances, aurait des désirs infiniment moins vastes et moins délicats. Les satisfactions qui lui sont données par l’état social actuel ne viendraient même pas à son imagination. Les exigences de notre sensibilité ne plaident donc pas en faveur de l’isolement, mais plutôt en faveur de la coopération qui seule procure une satisfaction relative à ses prétentions, après les avoir créées en partie.

En partie seulement. Car la sociabilité n’est pas tout. Ce n’est qu’autant que ce sentiment d’insatiabilité préexiste en germe dans la physiologie de l’individu qu’il peut être développé par les satisfactions