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l’antinomie dans la vie affective

Nous trouvons ici en conflit les intellectualistes et les physiologistes ; les premiers favorables aux projets d’unification sentimentale chers aux sociologues et aux éducationnistes ; les seconds favorables à l’individualisme.

Ce n’est pas que les physiologistes nient absolument le pouvoir de l’éducation. Dans la mesure où les différences sentimentales entre individus tiennent à des différences de culture, l’éducation peut assurément tenter de diminuer ces différences et d’uniformiser les sensibilités. Mais il ne faut pas trop compter sur le pouvoir des idées. On a déjà vu que la culture intellectuelle est impuissante à uniformiser les intelligences. Comment réussirait-elle à uniformiser les sensibilités ? La sensibilité individuelle, loin de se plier aux idées, façonne plutôt ces dernières et leur impose sa propre forme.

Les intellectualistes conçoivent tout autrement que les physiologistes la nature de la sensibilité et son rapport à l’intelligence. Ils regardent la sensibilité comme une forme inférieure de l’intelligence ; comme une raison confuse et enveloppée (Leibnitz, Herbart). D’après eux, nos sentiments sont résolubles en idées. C’est admettre implicitement que les idées peuvent agir sur les sentiments qui sont des idées inférieures et moins claires. On conçoit ainsi une hiérarchie d’idées dans laquelle la puissance des idées se mesurerait à leur clarté et à leur intelligibi-