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les antinomies entre l’individu et la société

forcément sur les sensibilités individuelles. Le XVIIe siècle français voit se succéder ou coexister plusieurs formes générales de sensibilité : la sensibilité précieuse, la sensibilité chrétienne, avec ses variétés, janséniste et jésuite ; la sensibilité rationaliste ou cartésienne ; la sensibilité libertine (pour un cercle plus restreint d’esprits). Au XVIIIe siècle domine la note sentimentale et humanitaire. Au XIXe siècle, c’est la sensibilité romantique qui prend d’ailleurs des aspects différents suivant les pays et les races ; puis c’est la sensibilité démocratique et socialiste qui est en train de se propager dans toute l’Europe, en s’adaptant, elle aussi, aux pays et aux tempéraments nationaux. L’évolution des sensibilités individuelles est en grande partie fonction de l’évolution sociale. Plus les causes de différenciation sociale se multiplient, plus les sensibilités se particularisent. Une culture générale très raffinée produit un affinement des sensibilités individuelles. Mais à côté de ces influences sociales, il faut faire une place au principe d’individuation par excellence : à la physiologie de l’individu, qui fait que chacun ressent à sa façon les sentiments de son pays, de son milieu, de son époque et les teinte de sa propre nuance sentimentale. Il y a là un principe originel et irréductible d’individualisme sentimental comme d’individualisme intellectuel.

Considérons maintenant la nature de la sensibilité.