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les antinomies entre l’individu et la société

Une société, quelle qu’elle soit, est guidée dans tous ses desseins par un seul mobile : l’intérêt vital qui la porte à se maintenir et à se défendre contre ses causes internes ou externes de destruction. Tout ce qui ne sert pas à ce but lui est indifférent. Pour l’atteindre, elle ne ménage rien ni personne. Elle représente en ce sens, suivant la remarque de Schopenhauer, le vouloir-vivre humain à son maximum d’intensité, de concentration, d’ardeur et de frénésie.

La partie sociale de l’individu est donc entièrement dominée par ce même instinct vital et social, c’est-à-dire par les intérêts et les passions des groupes auxquels l’individu se trouve mêlé, dont il épouse la cause avec plus ou moins d’ardeur et avec le vouloir-vivre desquels il s’identifie plus ou moins complètement. En tant qu’être social, l’individu humain est incapable de se placer au point de vue de la connaissance pure, au point de vue spectaculaire que nous avons défini plus haut.

Mais l’individu n’est pas seulement un être social. Il y a en lui une partie qui est proprement personnelle, qui est la propriété de l’Unique. C’est dans cette partie que se fait jour l’attitude de la connaissance pure, l’attitude spectaculaire ou esthétique. Celle-ci est une attitude proprement asociale. Elle constitue la forme la plus raffinée et proprement intellectuelle de l’abstentionnisme social ; elle est