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l’antinomie dans la vie intellectuelle

parfaite autonomie, devient indifférent au succès ou à l’insuccès des processus sociaux qui lui sont un spectacle. Il semble donc que l’attitude spectaculaire implique, ainsi que le veut Schopenhauer, un état de détachement social, un renoncement de la volonté aux fins sociales.

L’intelligence spectaculaire soutient avec la sociabilité un rapport différent de celui que soutient avec cette dernière l’intelligence critique.

L’intelligence critique n’est pas forcément antisociale. Si en un sens elle peut être antisociale ou avoir des effets antisociaux en tant qu’elle dissocie les idées et les croyances sociales, en un autre sens elle peut aussi, par cette dissociation même, servir le progrès social en détruisant les idées vieillies et périmées et en faisant place à des idées plus en rapport avec l’état social ; car la sociabilité évoluant a besoin qu’on remplace une source de foi épuisée par des sources nouvelles. L’intelligence critique n’est donc que relativement antisociale, tandis que l’intelligence spectaculaire est irréductiblement asociale. Dans l’intelligence spectaculaire, l’instinct de connaissance s’est complètement dissocié de l’instinct social.

Cette dissociation rentre dans une autre dissociation d’un caractère plus général et plus métaphysique : celle de l’Instinct de connaissance et de l’Instinct vital.