Page:Palante - Les antinomies entre l’individu et la société, Alcan, 1913.djvu/71

Cette page n’a pas encore été corrigée
66
les antinomies entre l’individu et la société

philosophiques, D’ailleurs, si on a quelques chances de rencontrer çà et là des aristes isolés, il est plus difficile de trouver une aristocratie digne de ce nom. Les soi-disant aristocraties intellectuelles n’échappent pas aux défauts des autres aristocraties, elles sont étroites ; elles ont leur esprit grégaire, leurs préjugés, leur misonéisme ; leur infatuation.

Tous ces motifs de découragement se résument dans la constatation que la société est loin de réaliser le rêve des hommes supérieurs. Plus l’idéal de culture qu’ils ont conçu est haut, plus l’écart est grand entre cet idéal et l’humanité réelle. L’individualisme aristocratique se convertit ainsi en pessimisme aristocratique (Vigny, Gobineau, Schopenhauer, Flaubert, Leconte de Liste).

Le pessimisme aristocratique prend lui-thème la forme l’un individualisme très particulier que nous appellerons l’individualisme spectaculaire. L’attitude spectaculaire est une forme raffinée de l’insociabilité intellectuelle. C’est l’attitude du penseur qui s’est retiré de la vie sociale et qui ne regarde plus la société que comme un objet de curiosité intellectuelle et de contemplation esthétique. Chez le penseur spectaculaire, l’intelligence s’est résorbée tout entière dans le sens esthétique qui, parvenu à sa