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les antinomies entre l’individu et la société

tout cas que ce progrès intellectuel soit indéfini. La capacité du cerveau humain est limitée. Sans doute il est interdit à l’esprit humain de dépasser un certain point dans son ascension vers la connaissance[1]. Notre philosophie n’a résolu aucun problème. Elle semble tourner indéfiniment dans le même cercle. Notre science a multiplié, il est vrai, les découvertes techniques et pratiques ; mais toutes ces conquêtes de la science nous laissent aussi ignorants des destinées de notre espèce et de la valeur même de notre science.

Ajoutons des raisons, plus particulières qui semblent limiter le progrès intellectuel et qui se manifestent plus spécialement dans le stade présent de l’évolution scientifique. Avec le développement même de la connaissance, l’invention, l’originalité intellectuelle se font de plus en plus rares : elles partent de plus en plus sur des découvertes de détail, non sur des idées d’ensemble et des conceptions générales. La part de l’imitation, de l’éducation, de la méthode apprise augmente sans cesse au détriment de l’initiative cérébrale. La besogne d’assimilation néces-

  1. D’après le comte de Gobineau, le cerveau humain n’a pas une capacité plus grande chez aucune des races existantes, qu’aux premiers jours de la civilisation. il ne saurait ainsi embrasser à la fois plus de connaissances qu’autrefois. Comme il ne peut embrasser qu’une certaine somme de connaissances, il doit oublier d’une part ce qu’il acquiert de l’autre. Le champ de la connaissance humaine est différent, sans être plus large ni plus fertile. Il y a quelque analogie entre cette idée gobinienne et l’idée de l’Éternel Retour de Nietzsche.