Page:Palante - Les antinomies entre l’individu et la société, Alcan, 1913.djvu/66

Cette page n’a pas encore été corrigée
61
l’antinomie dans la vie intellectuelle

une originalité qui vaille la peine d’être poursuivie, une originalité qui ne soit plus simplement négative, qui ne consiste plus simplement à supprimer la culture, comme le fait Stirner, mais à mettre sa marque personnelle sur cette culture, à la résumer, à la dépasser, à y ajouter, à apporter du nouveau au monde, à se privilégier dans la pensée. L’individualisme ainsi entendu est une théorie de l’invention et de l’originalité supérieure ; une théorie du progrès, de l’accroissement de la connaissance, de l’ennoblissement de la culture. Sans doute l’originalité véritable est difficile, faible et rare. Tarde a eu raison de dire qu’elle est faite en grande partie d’imitation et que même dans les intelligences les plus originales la part de l’imitation l’emporte infiniment encore sur celle de l’invention. Qu’importe ? Si faible, si rare que soit l’originalité véritable, si difficile qu’elle devienne par suite de la complexité croissante des tâches et des œuvres, de la division croissante du travail et du développement illimité des spécialismes et des compétences, cette originalité reste malgré tout possible : elle reste le facteur du progrès, la fleur de la culture, la raison d’être de l’effort intelligent.

On voit la différence qui existe entre cet individualisme et l’individualisme stirnérien. Est-ce à dire qu’il n’y ait rien de commun entre ces deux individualismes et qu’il n’y ait aucun lien entre eux ?