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les antinomies entre l’individu et la société

personnelle un motif suffisant d’indépendance et d’insoumission individuelle. Il convie tous les uniques à l’affirmation de leur originalité. Et il ne fait aucune différence de qualité ni de valeur entre les originalités humaines ; il s’interdit d’établir une hiérarchie entre les intelligences d’après leur puissance, leur étendue ou leur profondeur. Surtout il fait complètement abstraction des effets sociaux bons ou mauvais de l’emploi de l’intelligence.

Stirner représente le parfait égotisme intellectuel : Il s’attaque à toutes les idées générales qui ne sont pas sorties de son propre cerveau et qui n’ont pas pour résultat de donner une justification ou une satisfaction à son égoïsme. Toute idée doit réaliser pour lui une de ces trois conditions : 1° sortir de lui ; 2° lui être utile directement ; 3° lui être utile indirectement. L’idée idéale est à la fois celle qui, venant de lui, justifie ses désirs et lui permet de les satisfaire.

L’unicité poussée à bout aboutit à l’instantanéité, Stirner craint par-dessus tout de laisser s’enchaîner sa pensée, de la laisser se cristalliser. Aussi professe-t-il l’absolue mobilité intellectuelle. Stirner n’est sûr ni de ce qu’il fut hier, ni de ce qu’il est aujourd’hui, ni de ce qu’il sera demain. II se méfie donc de toutes les idées. Il en résulte que même ses idées personnelles qui sont les seules qu’il accepte sont aussi repoussées par lui. Ces idées ne sont, dans le meilleur cas, que l’expression de ce qu’il